aux Membres du Congrès Spirite de Liège 1° ASSEMBLEE GENERALE Séance du Dimanche 11 Juin 1905
M. Léon Denis exprime sa gratitude, ses remerciements, sa reconnaissance profonde pour le grand honneur qui lui est fait, ainsi qu’à M. G. Delanne.
C’est toujours une joie bien vive pour moi, dit-il, que de me retrouver au milieu de vous. Les approbations, les témoignages de sympathie que j’ai souvent reçus et que je reçois encore aujourd’hui des spirites de Belgique, les amitiés personnelles que je possède dans ce pays, amitiés déjà anciennes, tout cela constitue une des plus belles récompenses que puisse obtenir un serviteur de la cause que nous aimons.
Je viens aujourd’hui m’associer à vos travaux d’une manière plus directe, plus effective ; mais, vos travaux, je ne les ai jamais perdus de vue. J’ai toujours suivi avec le plus vif intérêt le développement du spiritisme dans ce pays. Toujours ma pensée a vibré à l’unisson de votre pensée ; toujours mon coeur a battu à l’unisson de vos coeurs. Il y a seize ans – c’était en 1889 – que je suis venu pour la première fois faire des conférences spirites dans cette bonne ville de Liège. J’y suis revenu bien des fois depuis, ainsi que dans les autres villes belges, et, à chaque voyage, à chaque nouvel effort, les liens qui m’unissaient aux spirites belges devenaient plus nombreux et plus puissants.
MM. Delanne et Gaillard sont venus aussi à leur tour.
Et aujourd’hui nous pouvons mesurer le chemin parcouru et les progrès réalisés. Nous pouvons dire, avec une satisfaction légitime, que nos efforts communs n’ont pas été vains, que la semence jetée aux sillons a germé, qu’elle lève et que bien des intelligences dans ce pays commencent à se laisser pénétrer, persuader, convaincre de la beauté, de la vérité, de la grandeur des idées que nous défendons. Et il en est ainsi à peu près partout.
Dans mes nombreux voyages dans toutes les directions, dans les séjours que je fais en des milieux très différents, j’ai pu constater les progrès sensibles et constants de l’Idée spirite dans l’opinion générale.
Le vent nous est favorable et nous pouvons dire que la destinée de notre cause s’annonce grande et magnifique dans le monde.
Partout on sent le vide, le néant, la désespérance des théories matérialistes, leurs conséquences funestes dans l’ordre social.
Partout on sent, à un degré égal, l’insuffisance, l’indigence des enseignements dogmatiques et leur impuissance à expliquer la destinée humaine.
Il y a partout des foules avides de connaître, de savoir, d’apprendre, avides de consolations et d’espérance, des foules qui ne demandent qu’à venir à nous et vers qui nous devons aller, nous !
C’est pourquoi je vous félicite d’avoir pris l’initiative de ce Congrès. Il serait superflu d’insister sur l’utilité et l’opportunité des Congrès. Les Congrès sont utiles en ce sens qu’ils sont une affirmation de la vitalité de nos principes et de nos croyances.
Les Congrès sont utiles parce qu’ils contribuent à orienter la marche du spiritisme. On y mesure les progrès réalisés. On s’y concerte de manière à mieux organiser le travail d’expérimentation et de propagande, à le rendre plus méthodique. On y resserre les liens de solidarité qui unissent les spirites des diverses contrées, des diverses fédérations.
Et chaque fois que ceux qui ont participé à ces Congrès rentrent dans la vie active, dans la lutte des idées, c’est avec une ardeur nouvelle ; c’est avec une confiance plus grande.
Quel doit être l’objectif essentiel du spiritisme ? D’abord, provoquer, rechercher, coordonner les preuves expérimentales de la survivance.
(Ici l’orateur fait ressortir la nécessité d’un contrôle rigoureux, de l’esprit de méthode et de critique. Il parle des exigences de l’esprit moderne. Il faut passer au crible les faits. Il insiste sur les dangers de la crédulité et des affirmations prématurées.)
Ch. Richet le disait encore récemment dans un grand article : «Les spirites sont bien peu rigoureux et c’est une lamentable histoire que celle de leur aberration.»
Puis en s’appuyant sur des preuves bien établies, sur des bases solides, le spiritisme doit préparer, rénover l’éducation scientifique, rationnelle et morale de l’homme dans tous les milieux, l’éducation de l’humanité !
L’action du spiritisme doit donc s’exercer dans tous les domaines : expérimental, doctrinal, moral et social. Il y a, dans le spiritisme, un élément régénérateur dont nous pouvons tout attendre, tout espérer. Je crois pouvoir dire que c’est le spiritisme, qui est appelé à devenir le grand libérateur de la pensée, la pensée humaine, asservie depuis tant de siècles. C’est lui qui jettera de plus en plus dans le monde des germes de vérité, de bonté, de fraternité humaine, et ces germes fructifieront tôt ou tard.
Nous sommes impatients, parce que notre vie est courte et nous trouvons que les progrès sont lents. Mais déjà nous pouvons dire que le spiritisme a plus fait en 50 ans que n’importe quel autre mouvement de la pensée dans le même laps de temps à n’importe quel âge de l’histoire.
Nous sommes impatients, et notre pitié s’émeut à la vue des ignorances, des routines, des préjugés, des souffrances et des misères de l’humanité et nous voudrions obtenir des résultats immédiats. Mais déjà nous pouvons voir que peu à peu tout change, tout évolue autour de nous, sous le souffle des idées nouvelles. Bien des obscurités se dissipent, bien des résistances s’évanouissent. Les haines que le spiritisme soulevait autour de lui se changent peu à peu en sympathies, en amitiés. Les hommes ne se combattent, ne se méprisent que parce qu’ils s’ignorent. L’oeuvre magnifique du spiritisme sera de rapprocher les hommes, les nations, les races, de former les coeurs, de développer les consciences. Mais, pour cela, il faut le travail, la persévérance, l’esprit de dévouement et de sacrifice.
C’est une grande joie pour moi que de pouvoir dire ces choses ici, dans cette capitale de la Wallonie, sur cette terre d’indépendance et de courage, dont les fils ont toujours compris et montré que rien ne s’obtient qu’au prix du travail et de la patience.
Mais, à cette heure, où des jours meilleurs semblent se préparer pour nous, est-ce que nous ne devons pas nous rappeler ceux qui furent à la peine sans être à l’honneur, au succès. Laissez-moi saluer en votre nom la mémoire de ceux qui contribuèrent le plus à la diffusion du spiritisme en ce pays, la mémoire des hommes de conviction profonde et de vertu qui sont retournés dans l’espace, mais dont le souvenir subsiste dans votre pensée. (Applaudissements).
Et je salue aussi les militants d’aujourd’hui que je retrouve autour de moi, prêts à de nouveaux efforts.
Je salue les jeunes volontés, les jeunes talents qui se lèvent et qui assureront le triomphe du spiritisme en ce pays.
Allan Kardec, dans ses oeuvres posthumes, a affirmé que l’avenir était au spiritisme. Après trente années d’épreuves, de travail et de progrès, cette affirmation se vérifie aujourd’hui. Eh bien, au début de ce Congrès, à l’aube du XX° siècle, je la renouvelle, avec l’assurance que ces paroles d’espérance et de foi profonde ne seront pas démenties.
Je la renouvelle, et je dis comme lui : L’avenir est au spiritisme. Sachons le préparer ! (Applaudissements).
Je viens de parler des progrès réalisés par le spiritisme. Voyons en quoi ils consistent :
D’abord, nous pouvons dire que la science officielle elle-même est entamée, profondément entamée, entamée à tel point qu’elle va se trouver dans la nécessité de réformer ses méthodes, de rénover ses systèmes.
Depuis 50 ans, les Esprits nous enseignent théoriquement et ils nous démontrent expérimentalement sous le nom de fluides, l’existence d’états subtils de la matière, et de forces impondérables que les savants rejetaient d’un accord unanime.
Le premier savant qui les a constatés, c’est sir W. Crookes. Voyez son livre : Recherches sur les phénomènes du Spiritualisme !
Et depuis lors, la science, chaque jour, n’a cessé d’avancer dans cette voie et de reconnaître la variété et la puissance de ces forces. Vous connaissez les étapes célèbres de la science sur cette route : Roentgen, avec les rayons X ; Hertz et la télégraphie sans fil ; Becquerel, Curie, Le Bon, découvrant les énergies intra-atomiques ; Blondot, les rayons N. (Car on est obligé de reconnaître aussi que les forces radioactives n’émanent pas seulement des corps matériels, mais aussi des êtres vivants et pensants.) C’est un acheminement vers la constatation de la vie invisible et du périsprit.
Eh bien, prenez Allan Kardec, vous trouverez dans ses oeuvres l’affirmation de l’existence de ces forces.
Et que résulte-t-il de toutes ces constatations de la science ? C’est que toutes les bases de la physique, de la chimie et même de la psychologie, sont bouleversées. Le Spiritisme bénéficie de toutes les découvertes récentes qui ont été faites dans ces domaines.
Toutes les forces subtiles mises en action par les Esprits dans les manifestations, la science enconstate l’existence aujourd’hui.
Prenez le phénomène des apports et la reconstitution spontanée d’objets divers dans des chambres closes. Prenez ceux de lévitation de meubles et de personnes vivantes. Rappelez-vous les expériences de pénétration de la matière par la matière qui ont été faites par Aksakof, par Zölner et autres, sur des anneaux de métal et sur des bandes d’étoffes scellées.
D’une façon plus générale, le passage des Esprits à travers les murailles, les apparitions, les matérialisations à tous les degrés, tous ces faits ont démontré une chose dès le principe ; c’est l’action de forces prodigieuses, alors inconnues ; c’est la possibilité d’une dissociation indéfinie de la matière, qui n’était pas reconnue par la science d’alors et que la science actuelle est bien obligée d’admettre après les travaux de Curie, Becquerel, Le Bon, etc.
Il y a cinquante ans que les spirites savent ce que la science veut bien découvrir aujourd’hui.
Et quelles conséquences ? C’est une modification profonde des théories classiques sur les forces et sur la matière. C’est le dogme de l’atome indivisible qui s’écroule et, avec lui, toute la science matérialiste.
Aujourd’hui, la science matérialiste est dans un désarroi complet. Ecoutez cette déclaration du président du dernier Congrès pour l’avancement des Sciences (Grenoble, 1904), M. Laisant, ex-député de la Seine, que je connais personnellement pour un fidèle disciple d’Auguste Comte, c’est-à-dire pour un positiviste, aujourd’hui professeur de mathématiques à l’Ecole polytechnique.
Ecoutez ce qu’il dit dans son discours d’ouverture :
«Nous avons vécu depuis notre enfance d’une vie scientifique tranquille, contents de nos théories comme d’une vieille maison un peu délabrée à laquelle on est attaché par l’usage, qu’on aime et qu’on habite. Et puis voici que l’ouragan survient sous forme de faits nouveaux, inconciliables avec les théories admises. Les hypothèses croulent, la maison s’effondre et nous restons tout désorientés et chagrins, dans l’attente de nouvelles bourrasques et ne sachant que faire.»
Quel aveu d’impuissance et de stérilité ! (Applaudissements).
Vous voyez donc une chose : c’est que, lorsque nous étudions la marche du spiritisme, nous sommes amenés à constater que, peu à peu, d’étapes en étapes, malgré ses hésitations, malgré ses répugnances, la science se rapproche graduellement des théories spirites.
En physique et en chimie, la voilà qui reconnaît l’existence de la matière subtile, radiante, et les forces radio-actives, qui sont la base même, le substratum et le mode de manifestation du monde invisible.
Et maintenant en psychologie, elle est obligée d’accepter l’hypnotisme et la suggestion, après les avoir longtemps niés. Puis ça été la télépathie et la transmission des pensées. Et qu’est-ce que c’est que tous ces faits : c’est la démonstration dans le domaine humain, expérimental, de ce principe affirmé, appliqué depuis cinquante ans par les Esprits : l’action possible de l’âme sur l’âme, à toute distance, sans le secours des organes et du cerveau.
Vous le savez, la science officielle qui s’inspirait surtout des théories matérialistes, repoussait a priori cette explication. Il y a encore peu d’années, elle repoussait en principe toute possibilité de manifestation de l’intelligence en dehors du cerveau, et, par conséquent toute possibilité pour une intelligence de communiquer avec une autre intelligence en dehors des organes et des voies ordinaires de la sensation.
Eh bien la science est obligée aujourd’hui de reconnaître les faits de télépathie et de transmission des pensées. Et en les reconnaissant, elle fait un pas considérable en avant et elle porte un coup mortel au matérialisme.
La télépathie démontre la communication possible entre deux êtres sans le secours du cerveau, comme la suggestion démontre l’influence possible d’un esprit sur un autre esprit, sans le secours des organes matériels. Ces influences et ces fonctions sont établies par des milliers d’expériences. Et dès lors, par cela même, la théorie matérialiste est en défaut et la moitié du chemin est faite par la science pour admettre la communication comme possible entre les hommes et les esprits. Et cette deuxième moitié du chemin elle le fera par l’étude de la médiumnité.
Eh bien, cette rénovation puissante de la psychologie, qui apprendra à l’être humain à se mieux connaître, à qui la science la devra-t-elle ? aux spirites, aux magnétiseurs qui, les premiers, ont attiré l’attention publique et l’attention des savants sur les faits de suggestion, de télépathie, de transmission des pensées et qui ont forcé en quelque sorte l’évolution scientifique à s’orienter dans cette voie qui la conduira forcément au spiritisme ! (Applaudissements).
Autre chose ! Sans sortir du domaine expérimental, de la psychologie expérimentale, nous commençons à constituer un faisceau de preuves scientifiques, les preuves des existences antérieures et du principe des Réincarnations.
J’ai appelé l’attention du colonel de Rochas sur les expériences dont nos frères espagnols nous ont entretenus au Congrès de 1900, à Paris. Le colonel a poursuivi ses recherches dans le même sens. Et bientôt vous aurez connaissance, par voie de publicité, de ses expériences d’Aix, qui ont convaincu des matérialistes comme le docteur Bertrand, ancien maire d’Aix. Dans ces expériences, l’être psychique, extériorisé, non seulement se rappelle ses existences antérieures, mais les revit, il en revit les scènes capitales, avec un réalisme, une vivacité d’impressions et de sensations qui ne peuvent pas être simulées ni factices, car cela nécessiterait des connaissances pathologiques approfondies, que le sujet – une jeune fille de 18 ans – ne peut pas posséder, de l’avis de tous les expérimentateurs.
Ces expériences sont déjà nombreuses. Il y en a beaucoup d’autres. Et c’est en les multipliant, qu’avec le temps nous arriverons à prouver, à démontrer cet enchaînement formidable des causes et des effets qui régit tous nos actes, qui régit le monde moral, comme le monde physique et qui se retrouve en chacun de nous et qui est la trame, la loi même de nos destinées. Et avec elle, la Loi de Justice apparaît, éclatante, et nul ne peut plus la contester.
Ces expériences ont encore une autre conséquence non moins importante.
Elles nous apprennent que la personnalité humaine est beaucoup plus vaste, plus étendue, plus profonde que nous le croyons. Que nous ne nous connaissons pas nous mêmes ; qu’il y a en nous non seulement une vie plus profonde, une conscience profonde, mais aussi des facultés latentes, ignorées, dont notre organisme, notre corps matériel ne permet pas de manifestation pleine et entière, mais qui se réveille dans certains cas (télépathie, prémonition, vue à distance.) Et puis aussi des couches profondes de la mémoire où dort le passé. Et dans ces expériences ce passé reparaît, il sort de l’ombre. Il nous regarde d’un oeil grave et triste. Tous les souvenirs se réveillent en foule et notre propre histoire se déroule, comme automatiquement. Et alors que voyons-nous ?
C’est que notre âme est un monde ignoré, où dorment des énergies cachées, des forces latentes, des souvenirs voilés. Et que tout cela, ces richesses, nous pouvons les recueillir, les mettre en action pour la bonne direction de notre vie, pour la transformation de notre avenir, de notre destinée.
Et la sanction de toutes choses est là ! Elle est dans la conscience individuelle, immortelle. La conscience se retrouve, dans l’au-delà, non plus restreinte, étouffée comme ici bas, mais dans sa plénitude, comme elle nous apparaît dans la transe avec une intensité telle que l’être évolué revit son passé, dans ses joies et dans ses douleurs, dans tous ses détails, avec une puissance telle qu’il devient pour lui une source de félicités ou de tourments.
Voilà ce que tout homme doit savoir et saura un jour, l’homme qui sait beaucoup de choses, mais qui s’ignore lui-même. Et bien cette science profonde de l’être, c’est le spiritisme qui l’aura fait naître, c’est lui qui, le premier, a orienté vers elle l’attention des chercheurs, sur ces côtés mystérieux, inexplorés de notre nature. C’est lui qui aura appris à l’homme à mesurer l’étendue de sa puissance, toute sa grandeur, tout son avenir.
Vous le voyez, il n’y a pas d’exagération à dire que le spiritisme, en 50 ans d’existence, a exercé et exercera de plus en plus, une influence puissante et amènera des transformations considérables dans la science, dans la littérature et même au sein des Eglises…
Et tout cela s’est accompli presque sans organisation, avec de faibles moyens d’action, avec des ressources précaires, sans autre organisation que celle qui peut exister dans l’au-delà… et peut-être est-ce celle-là la meilleure de toutes, car nous nous sentons puissamment aidés soutenus du monde invisible et j’en rends témoignage ici devant tous !
Dans la littérature, c’est une floraison d’ouvrages en toutes langues, plusieurs d’une grande valeur, comme celui de Myers, par exemple : La personnalité humaine et sa survivance après la mort, qui a produit une grande sensation dans le monde savant.
Aujourd’hui on entend des professeurs éminents, professeurs d’Universités, affirmer dans leurs cours publics l’existence des Esprits.
Le professeur Izoulet, du Collège de France, parlant de la pneumatologie, ou science des Esprits, disait en avril dernier : «Il y a autant et plus de degrés au-dessus de nous qu’il y en a au-dessous.»
Et les Eglises ! J’ai parlé des Eglises et vous serez étonnés, sans doute. Mais je m’explique et je dis que l’idée spirite a pénétré dans les milieux les plus réfractaires, les plus orthodoxes, et que la mentalité des prêtres et des pasteurs, dans bien des milieux, est travaillée sourdement par l’idée spirite.
Dans le milieu protestant, ce sont de nombreuses adhésions de pasteurs, en Amérique, en Angleterre, en Hollande.
Voici ce que m’écrit un pasteur éminent de l’Eglise réformée de France, directeur d’une revue évangélique :
«Je pressens que le spiritisme pourrait bien devenir une religion positive, non pas à la manière des religions révélées, mais en qualité de religion établie sur des faits d’expérience et pleinement d’accord avec le rationalisme et la science.»
Et le milieu catholique ! Là les constatations sont plus difficiles à faire, parce qu’il y règne une discipline de fer. Mais le travail latent se révèle quand même. Je reçois souvent, pour ma part, des visites d’ecclésiastiques qui viennent m’entretenir de spiritisme.
Mais voici quelque chose de précis. Ce n’est pas une personnalité obscure, un membre effacé de l’Eglise dont il s’agit, c’est le prédicateur, l’orateur le plus célèbre de la chaire catholique, depuis Lacordaire, le père Didon.
Voici ce qu’il écrivait dans ses Lettres à Mlle Th. V., publiées en 1902, chez Plon-Nourrit, avec l’autorisation de son ordre, celui des frères prêcheurs : (p. 34.)
«Je crois à l’influence divine que les morts et les saints exercent mystérieusement sur nous. Je vis en communion profonde avec ces invisibles, et j’expérimente avec délices les bienfaits de leur secret voisinage. Les siècles ont beau se multiplier, ils n’empêcheront pas les âmes de même race de se visiter et de s’aimer.»
Et combien d’autres passages analogues, et combien de cas semblables je pourrais citer, car ce ne sont pas là des faits et des témoignages isolés, ces cas sont nombreux mais je dois me borner.
Je dois me borner, mais je dis que ces résultats, encore partiels, limités, isolés, finiront par s’accentuer, par se manifester au grand jour, dans, tous les milieux sociaux, au sein des institutions les plus rétrogrades, qu’il y a là un levain qui fera lever toutes les pâtes. Et que nous devons redoubler d’énergie, de labeur, de volonté persévérante et prudente ; que notre cause finira par prévaloir dans tous les milieux, pour les transformer, pour les féconder, parce que notre cause est celle de la vérité !
Il est des hommes qui voudraient circonscrire le spiritisme dans le domaine expérimental, celui des faits. Sans doute, le fait est la base même du spiritisme ; c’est la preuve de la survivance. Mais derrière le fait et dans le fait lui-même, il y a toute une révélation. Dans le spiritisme, le fait est inséparable de l’enseignement. L’un est lié à l’autre étroitement ; l’un ne va pas sans l’autre, pour peu que le phénomène soit d’un ordre un peu élevé. Les Esprits ne cherchent à se communiquer à nous que pour nous consoler, nous instruire, nous initier aux grandes lois de l’au-delà, dont la connaissance est si nécessaire. C’est ce qu’Allan Kardec a compris, a senti. Et c’est pourquoi, dans son oeuvre, il a uni étroitement la doctrine à la science. En agissant ainsi, il n’obéissait pas à une tendance de son propre esprit, il obéissait à une nécessité, à la nature même des choses qu’il étudiait.
Ce qui fait la puissance d’action, le rôle social du spiritisme, c’est qu’il répond à la fois à tous les besoins de l’âme humaine, aux besoins multiples, impérieux de l’heure présente, c’est qu’il s’adresse à la fois au cerveau et au coeur, à l’intelligence, à la conscience et à la raison. Ce qui fait la puissance et l’efficacité du spiritisme c’est que les satisfactions intellectuelles, morales qu’il nous donne, les enseignements qu’il nous procure, tout cela constitue dans l’ensemble une magnifique unité, une superbe synthèse scientifique, philosophique, morale, sociale.
Une doctrine qui ne s’adresse pas à la fois au cerveau et au coeur, je veux dire à l’intelligence et au sentiment, manque d’équilibre. La morale qui vient du cerveau est une morale stérile ; il n’y a que la morale du sentiment et du coeur qui puisse faire l’homme vraiment humain, accessible à la pitié, compatissant pour toutes les douleurs, dévoué à ses semblables.
La science seule ne suffit donc pas. Il faut parler au coeur de l’humanité. Et surtout ici, dans les milieux ouvriers. Sans doute, il faut s’instruire, s’armer intellectuellement pour la discussion et la propagande ; mais c’est par le coeur que vous ébranlerez les masses, que vous atteindrez l’âme du peuple.
Je le répète : il faut étudier les faits ; il faut donner aux faits toute l’importance qu’ils méritent. Mais, plus loin et plus haut que les faits, il faut voir le but vers lequel, par le moyen des faits, des mains invisibles conduisent l’humanité !
Non ! Le spiritisme, ce n’est pas seulement le fait physique, la danse des tables, comme certains hommes paraissent le croire, hélas ! Le spiritisme, c’est tout l’effort, le splendide effort de l’au-delà pour arracher l’âme humaine à ses doutes, à ses hontes, à ses lèpres, à ses maladies morales, pour l’obliger à prendre conscience d’elle-même, de ses énergies cachées, pour la forcer à réaliser sa destinée glorieuse. (Applaudissements).
Le spiritisme, c’est le rayon d’espérance qui vient éclairer notre sombre univers, notre terre de boue, de sang et de larmes ; c’est le rayon joyeux qui vient visiter les chambres de misère, qui se glisse dans les demeures tristes qu’habite le malheur, où gémit la souffrance.
Le spiritisme, c’est l’appel de l’Infini à la pauvre âme humaine écrasée sous la matière ; ce sont les voix qui viennent proclamer le plus noble, le plus puissant idéal qu’ait rêvé le génie de l’homme. Et à ces appels, à ces voix, les fronts penchés sous le poids de la vie se redressent, les désespérés, les naufragés de l’existence reprennent courage, et dans le ciel brumeux de leur pensée, ils voient briller l’aube qui annonce des temps nouveaux, des temps meilleurs pour l’humanité.
Le spiritisme, c’est la communion des âmes qui s’appellent et qui se répondent à travers l’étendue. Est-ce que ce n’est pas grâce à lui que des nouvelles nous arrivent de ceux qui furent nos compagnons de chaînes ici bas, nos compagnons de lutte ? Nous les croyions perdus et voilà que nous nous sentons de nouveau reliés à eux ! Quelle joie de savoir, de sentir que nous sommes unis à ceux que nous aimons, unis pour les siècles, que la mort n’est qu’un trompe l’oeil, que toute séparation n’est que passagère et apparente. Nous nous sentons reliés non seulement à eux, mais â toutes les âmes qui peuplent l’immensité. L’univers est une grande famille. Et sur les milliers de mondes qui roulent dans les profondeurs, partout nous avons des frères et des soeurs que nous sommes destinés à rencontrer et à connaître un jour, partout des âmes avec lesquelles nous poursuivrons notre ascension sous l’égide de lois sages, équitables, profondes, éternelles ! (Applaudissements).
Et c’est ainsi, frères et soeurs ; c’est par là que s’éveillera peu à peu et que grandira en nous le sentiment, l’instinct puissant de la vie universelle, de la solidarité universelle. C’est par là que nous nous sentirons reliés aux plus humbles comme aux plus grands esprits, que nous nous sentirons de même race que les héros, les sages et les génies, et que nous aurons la possibilité de les rejoindre dans la lumière quand nous aurons, nous aussi, travaillé, lutté, mérité, souffert !
Le Spiritisme, enfin, c’est tout le frémissement de la vie invisible ; c’est un univers vivant qui a été ignoré jusqu’ici, sauf de quelques-uns et que nous savons être maintenant, que nous sentons être, s’agiter, palpiter, vibrer autour de nous, remplir l’espace de pensées radiantes, de pensées d’amour, d’inspirations géniales et que nous sentirons de plus en plus vivre et agir, grâce au développement des facultés qui sommeillent encore chez la plupart des hommes, mais qui vont s’éveiller, se multiplier par la connaissance du Spiritisme, s’accroître et devenir le partage du grand nombre, après avoir été seulement le privilège de quelques-uns. Et par là, nous acquerrons aussi la certitude précieuse de la protection, du soutien qui, de l’au-delà, s’étend sur nous, la preuve que la sollicitude d’en haut enveloppe tous les pèlerins de l’existence dans leur pénible voyage terrestre.
Estimons-nous heureux FF. et SS. de posséder ces vérités, d’entrevoir ces lumières. Efforçons-nous d’y conquérir plus encore à force de volonté et de travail, de nous en rendre dignes par notre attachement, par notre dévouement à la noble cause que nous servons.
Souvenons-nous que la vérité ne se conquiert, que l’esprit ne s’élève que par l’effort et la douleur.
Dans la lutte qui est engagée pour l’ascension de l’humanité, la lutte grandiose des idées, le spiritisme est au plus fort de la mêlée, parce qu’en lui la vie et la mort se rencontrent, la terre et le ciel se rejoignent et s’unissent pour les combats de la pensée.
Luttons donc avec courage, avec sagesse, avec prudence. Le monde invisible est avec nous. Elevons notre cri d’espoir et de confiance en l’éternelle et consciente justice qui gouverne les mondes. Croyons, espérons, agissons !… (Applaudissements prolongés, ovation.)
La séance est levée à 12 h 30.
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